Le contexte
Le 6 octobre 1973, il a vingt-cinq ans, le monde est frappé de stupeur : une nouvelle guerre israélo-arabe vient d’éclater au Proche-Orient. En ce jour de Grand Pardon (Yom Kippour) des israélites, en plein Ramadan musulman, les armées égyptiennes et syriennes viennent de lancer par surprise une offensive concertée contre les forces israéliennes stationnées le long du canal de Suez et sur les hauteurs du Golan. Ce conflit charnière aux rebondissements multiples, comme en témoigne le déclenchement de la crise pétrolière, modifiera durablement la situation géostratégique dans cette région clé du Globe. Personne n’imagine alors que ce nouvel affrontement sera à l’origine directe du processus de négociations entre l’Egypte et Israël qui aboutira, six ans plus tard, à la signature d'un traité de paix entre ces deux Etats.
Ce nouvel épisode du conflit israélo-arabe trouve en fait sa genèse dans l’éclatante victoire remportée six ans plus tôt par l’Etat d’Israël sur ses voisins arabes, lors de la guerre des six jours de juin 1967. A cette occasion, les forces de défense israéliennes s’étaient emparées de la péninsule du Sinaï, de la bande de Gaza, de la Cisjordanie et des hauteurs du Golan, infligeant une cuisante défaite aux armées arabes. Trop sûres d’elles-mêmes, les autorités israéliennes avaient par-là même suscité un sentiment de revanche exacerbé dans le monde arabe, d’autant que la situation paraissait bloquée. Les Arabes, de leur côté, refusaient toujours de reconnaître l’existence de l’Etat d’Israël et la résistance palestinienne multipliait les actions terroristes à travers le monde. Toutes les missions de bons offices et les ébauches de règlement diplomatique avaient en effet échoué les unes après les autres, se heurtant à l’intransigeance des belligérants.
Le Proche-Orient à la veille de la guerre d'octobre 1973
Le contexte (suite)
Peu de temps après son arrivée au pouvoir, à l'automne 1970, le président égyptien Anouar el-Sadate éprouve le besoin urgent de faire évoluer cette situation figée catastrophique pour lui, tant pour sa survie politique que pour la ruine économique menaçant son pays. Ce déblocage ne semble pouvoir s’opérer que par le biais d’une nouvelle guerre. En accord avec le président syrien Hafez el-Assad, il prend donc l’initiative de déclencher celle-ci. Il ne s’agit pas là d’un coup de théâtre de dernière heure, mais d’une décision mûrement réfléchie arrêtée par le président égyptien en mai 1972, après le sommet de Moscou au cours duquel les deux grandes puissances ont entériné le principe du maintien du statu quo au Proche-Orient. Sadate ressent dès lors la présence soviétique comme une réelle contrainte entravant sa marge de manoeuvre. Il décide donc de recouvrer sa liberté d’action en expulsant en juillet 1972 la plupart des conseillers soviétiques présents sur son territoire. Parallèlement, il multiplie les pressions sur Moscou pour obtenir les armes modernes tant attendues. Lors d’une réunion du conseil suprême des forces armées, le 28 octobre 1972, il nomme au poste de ministre de la guerre l'un des militaires en qui il a le plus confiance, le général Ahmed Ismaïl Ali, le chargeant de superviser les plans de bataille arabes. Le général Ismaïl et le général Shazli, chef populaire de l’état-major général, entament donc avec leurs homologues syriens la planification rigoureuse d’une offensive limitée ne visant qu’à récupérer le plateau du Golan et le secteur du canal de Suez.
La question des buts de guerre arabes a suscité a posteriori bien des débats. Bien que certains chefs d’Etat arabes, rejoints par certains dirigeants palestiniens, prêchaient ouvertement la destruction de l’Etat hébreu, aucun chef d’Etat voisin d’Israël n’envisageait sérieusement une telle hypothèse, pas même Hafez el-Assad. Outre l’incertitude que faisait planer sur l’équilibre régional l’existence virtuelle d’un arsenal nucléaire militaire israélien, certains pays comme l’Egypte, la Jordanie ou le Liban avaient déjà tacitement admis le principe de l’existence d’Israël sur la carte du Proche-Orient. Seule l’étendue de son territoire posait problème. Le président Sadate a déclaré à ce propos que si l'Egypte ne devait reconquérir ne fut-ce qu'une tête de pont sur la rive orientale du Canal, cela serait déjà pour lui une victoire.
La décision des présidents Sadate et Assad de recourir à la guerre n’est rendue possible que par la réduction de l’écart qualitatif entre les armées arabes et israéliennes. A la veille de la guerre du Kippour, les armées arabes se trouvent dans une situation indéniablement meilleure que celle qui était la leur à l’issue de la guerre des six jours. Elles ont non seulement reconstitué leurs arsenaux, mais elles les ont encore renforcés, se préparant soigneusement à une offensive de grande envergure.
En 1973, les armées arabes paraissent galvanisées par un esprit de revanche visant à reconquérir les territoires perdus en juin 1967 afin de restaurer l’honneur de leurs armes ; de ce fait, elles sont prêtes aux plus grands sacrifices. Ce résultat est le fruit de plusieurs années d’entraînement et d’efforts ininterrompus, imputables en grande partie au général Saad el-Shazli, chef de l’état-major général égyptien.
L’armée israélienne parait quant à elle paradoxalement plus puissante et mieux équipée que par le passé. Elle vient de recevoir du matériel américain extrêmement performant, lui assurant a priori une supériorité incontestable. Elle développe néanmoins à l’encontre de ses adversaires arabes un formidable complexe de supériorité anesthésiant son sens des réalités. L’armée israélienne subit en outre un insidieux phénomène de dégradation qui se répercute tant sur sa doctrine d’emploi des forces, que sur l’institution elle-même. Sa stratégie privilégie désormais la défensive, comme en témoigne l’édification de la coûteuse Ligne Bar-Lev le long du canal de Suez. Ce phénomène ne fait que reproduire celui affectant une société israélienne en pleine mutation, à la croisée des chemins. La plus frappante manifestation en est l'échec des services de renseignements qui, handicapés par des dysfonctionnements et des rivalités internes, sont leurrés par le remarquable plan de déception soigneusement élaboré par le Moukhabarat égyptien.
Le milieu
Le front Sud
Ce théâtre d'opération, qui est centré sur la zone du canal de Suez contenant la Ligne Bar-Lev, englobe la partie occidentale de la péninsule du Sinaï. Il forme un rectangle d’un peu plus de 200 kilomètres de hauteur et de 80 kilomètres de largeur.
La zone du canal de Suez relie la Méditerranée à la Mer Rouge. Elle est bordée au nord par l'étendue marécageuse de la lagune Manzala, qui rejoint le delta du Nil, et au sud par les contreforts du grand erg oriental et du djebel Ataqua qui culmine à 871 mètres d'altitude. Ce dernier constitue un observatoire de choix. La rive occidentale du Canal est doublée par un canal d'eau douce, entre Kantara et Suez, qui irrigue une étroite bande agricole le long de cette rive. L'ensemble de cette zone est principalement constituée d'une plaine sablonneuse et rocailleuse, d'où émergent quelques collines dont l'altitude excède rarement 200 mètres. De nombreuses pistes maillent cette partie du front, facilitant le mouvement des forces. La zone est faiblement peuplée, depuis que les villes bordant le Canal ont été évacuées pendant la guerre d'usure. Seuls subsistent de très nombreux camps militaires.
La ligne Bar-Lev se compose d'une trentaine de fortins israéliens adossés au rempart de sable bordant la rive orientale du Canal. Chaque poste, espacé d'environ cinq kilomètres, est équipé pour l'observation visuelle et électronique. Des orifices de tir sont aménagés dans toutes les directions, couvrant ainsi l'ensemble des secteurs d'où pourrait provenir une attaque ennemie. Ces fortins peuvent accueillir quelques pièces d'artillerie, ainsi que trois ou quatre chars. Chacun d’entre eux a été conçu pour résister à l'impact direct d'un obus de 155 millimètres ou d'une bombe de 500 kilogrammes. Une seconde ligne de défense est située à quatre cents mètres en retrait. Des murets, des champs de mines et des tranchées complètent enfin le dispositif, défendant les accès aux routes principales. Les différents ouvrages de la Ligne sont reliés entre eux par un important réseau routier dont trois rocades parallèles : la première, dénommée Route Lexique, borde immédiatement la voie d’eau et permet d’accéder aux fortins ; la seconde, à une dizaine de kilomètres plus à l’est, juste derrière la première ligne de crête, est identifiée sous l’appellation de Route de l’Artillerie – elle permet en effet à l’artillerie israélienne de se déployer sur ses positions de tir ; la troisième, enfin, connue sous le nom de Route Latérale, est située à une trentaine de kilomètres à l’est du Canal et permet le basculement des forces d’un secteur à l’autre du front.
La péninsule du Sinaï relie l'Afrique à l'Asie. Elle forme un triangle désertique dont la moitié méridionale est constituée par un massif montagneux chaotique, qui culmine à 2 642 mètres d'altitude au niveau du djebel Katherina, près du monastère Sainte-Catherine. L'extrémité nord-ouest de la péninsule, près de Port-Fouad, est occupé par la lagune Mallaha, véritable marécage qui constitue un obstacle naturel pour les unités mécanisées. Un réseau de dunes s'élève progressivement à l'est de la voie d’eau, facilitant la défense de la rive orientale du Canal. La côte occidentale de la péninsule du Sinaï est parsemée d'exploitations pétrolifères qui constituent un réel enjeu stratégique. Les principaux axes de communication sont orientés est-ouest. Deux routes côtières se rejoignent néanmoins à Sharm el-Sheikh.
Le front Nord
Ce théâtre d'opération est centré autour du plateau du Golan, qui relie Israël et la Syrie. Celui-ci forme un trapèze qui s'étend sur une hauteur d'une soixantaine de kilomètres et sur une largeur d'une vingtaine de kilomètres. Son altitude moyenne est de l'ordre de 800 mètres. Le plateau présente un relief accidenté et des sols d'une grande diversité, alliant les zones fertiles aux zones arides et caillouteuses, parsemées de roches basaltiques. Une ligne de tertres volcaniques partiellement boisés partage le plateau en deux. Cette ligne forme un ensemble défensif pour qui la contrôle. Elle n'est cependant pas continue. Trois couloirs de pénétration la traversent : il s'agit des trouées de Buqata/El-Rom, de Kunéïtra et de Rafid. A l'ouest, le plateau surplombe le lac de Tibériade. Plus au nord, les hauteurs du Golan viennent mourir en pente douce le long des rives du Jourdain
La chaîne montagneuse du Hermon, partagée entre le Liban, la Syrie et Israël, domine au nord le plateau du Golan. Elle culmine à 2 370 mètres du côté israélien et à 2 814 mètres du côté syrien. Ses versants abrupts entravent considérablement toute progression. De son sommet, on peut observer l'ensemble du plateau. Les gorges encaissées du Yarmouk et du Ruqqad le délimitent au sud. Le vaste amoncellement basaltique du Leja, qui voisine le désert de Syrie, en marque la limite orientale. La plaine de Damas en constitue le prolongement naturel au nord-est. Le relief y est moins accidenté et la circulation plus facile. Les seuls obstacles sur cette plaine ondulée sont constitués par quelques tertres qui dominent les alentours d'une centaine de mètres et par les concrétions basaltiques qui s'étendent de part et d'autre de Sassa, constituant par là même une zone difficilement franchissable pour les unités mécanisées.
Cinq routes traversent le Golan. L’une d’entre-elles, connue sous le nom de Route du pétrole, suit le tracé du Trans-Arabian-Pipeline (TAP). L’ensemble du plateau est inhabité à l'exception des garnisons militaires qui y sont installées, de quelques colonies créés par les Israéliens et de la bourgade druze de Majdal-Shams. La plupart des villages syriens ont été évacués après la guerre des six jours. La ville de Kunéïtra, jadis capitale du Golan, est déserte.
A SUIVRE...
Le 6 octobre 1973, il a vingt-cinq ans, le monde est frappé de stupeur : une nouvelle guerre israélo-arabe vient d’éclater au Proche-Orient. En ce jour de Grand Pardon (Yom Kippour) des israélites, en plein Ramadan musulman, les armées égyptiennes et syriennes viennent de lancer par surprise une offensive concertée contre les forces israéliennes stationnées le long du canal de Suez et sur les hauteurs du Golan. Ce conflit charnière aux rebondissements multiples, comme en témoigne le déclenchement de la crise pétrolière, modifiera durablement la situation géostratégique dans cette région clé du Globe. Personne n’imagine alors que ce nouvel affrontement sera à l’origine directe du processus de négociations entre l’Egypte et Israël qui aboutira, six ans plus tard, à la signature d'un traité de paix entre ces deux Etats.
Ce nouvel épisode du conflit israélo-arabe trouve en fait sa genèse dans l’éclatante victoire remportée six ans plus tôt par l’Etat d’Israël sur ses voisins arabes, lors de la guerre des six jours de juin 1967. A cette occasion, les forces de défense israéliennes s’étaient emparées de la péninsule du Sinaï, de la bande de Gaza, de la Cisjordanie et des hauteurs du Golan, infligeant une cuisante défaite aux armées arabes. Trop sûres d’elles-mêmes, les autorités israéliennes avaient par-là même suscité un sentiment de revanche exacerbé dans le monde arabe, d’autant que la situation paraissait bloquée. Les Arabes, de leur côté, refusaient toujours de reconnaître l’existence de l’Etat d’Israël et la résistance palestinienne multipliait les actions terroristes à travers le monde. Toutes les missions de bons offices et les ébauches de règlement diplomatique avaient en effet échoué les unes après les autres, se heurtant à l’intransigeance des belligérants.
Le Proche-Orient à la veille de la guerre d'octobre 1973
Le contexte (suite)
Peu de temps après son arrivée au pouvoir, à l'automne 1970, le président égyptien Anouar el-Sadate éprouve le besoin urgent de faire évoluer cette situation figée catastrophique pour lui, tant pour sa survie politique que pour la ruine économique menaçant son pays. Ce déblocage ne semble pouvoir s’opérer que par le biais d’une nouvelle guerre. En accord avec le président syrien Hafez el-Assad, il prend donc l’initiative de déclencher celle-ci. Il ne s’agit pas là d’un coup de théâtre de dernière heure, mais d’une décision mûrement réfléchie arrêtée par le président égyptien en mai 1972, après le sommet de Moscou au cours duquel les deux grandes puissances ont entériné le principe du maintien du statu quo au Proche-Orient. Sadate ressent dès lors la présence soviétique comme une réelle contrainte entravant sa marge de manoeuvre. Il décide donc de recouvrer sa liberté d’action en expulsant en juillet 1972 la plupart des conseillers soviétiques présents sur son territoire. Parallèlement, il multiplie les pressions sur Moscou pour obtenir les armes modernes tant attendues. Lors d’une réunion du conseil suprême des forces armées, le 28 octobre 1972, il nomme au poste de ministre de la guerre l'un des militaires en qui il a le plus confiance, le général Ahmed Ismaïl Ali, le chargeant de superviser les plans de bataille arabes. Le général Ismaïl et le général Shazli, chef populaire de l’état-major général, entament donc avec leurs homologues syriens la planification rigoureuse d’une offensive limitée ne visant qu’à récupérer le plateau du Golan et le secteur du canal de Suez.
La question des buts de guerre arabes a suscité a posteriori bien des débats. Bien que certains chefs d’Etat arabes, rejoints par certains dirigeants palestiniens, prêchaient ouvertement la destruction de l’Etat hébreu, aucun chef d’Etat voisin d’Israël n’envisageait sérieusement une telle hypothèse, pas même Hafez el-Assad. Outre l’incertitude que faisait planer sur l’équilibre régional l’existence virtuelle d’un arsenal nucléaire militaire israélien, certains pays comme l’Egypte, la Jordanie ou le Liban avaient déjà tacitement admis le principe de l’existence d’Israël sur la carte du Proche-Orient. Seule l’étendue de son territoire posait problème. Le président Sadate a déclaré à ce propos que si l'Egypte ne devait reconquérir ne fut-ce qu'une tête de pont sur la rive orientale du Canal, cela serait déjà pour lui une victoire.
La décision des présidents Sadate et Assad de recourir à la guerre n’est rendue possible que par la réduction de l’écart qualitatif entre les armées arabes et israéliennes. A la veille de la guerre du Kippour, les armées arabes se trouvent dans une situation indéniablement meilleure que celle qui était la leur à l’issue de la guerre des six jours. Elles ont non seulement reconstitué leurs arsenaux, mais elles les ont encore renforcés, se préparant soigneusement à une offensive de grande envergure.
En 1973, les armées arabes paraissent galvanisées par un esprit de revanche visant à reconquérir les territoires perdus en juin 1967 afin de restaurer l’honneur de leurs armes ; de ce fait, elles sont prêtes aux plus grands sacrifices. Ce résultat est le fruit de plusieurs années d’entraînement et d’efforts ininterrompus, imputables en grande partie au général Saad el-Shazli, chef de l’état-major général égyptien.
L’armée israélienne parait quant à elle paradoxalement plus puissante et mieux équipée que par le passé. Elle vient de recevoir du matériel américain extrêmement performant, lui assurant a priori une supériorité incontestable. Elle développe néanmoins à l’encontre de ses adversaires arabes un formidable complexe de supériorité anesthésiant son sens des réalités. L’armée israélienne subit en outre un insidieux phénomène de dégradation qui se répercute tant sur sa doctrine d’emploi des forces, que sur l’institution elle-même. Sa stratégie privilégie désormais la défensive, comme en témoigne l’édification de la coûteuse Ligne Bar-Lev le long du canal de Suez. Ce phénomène ne fait que reproduire celui affectant une société israélienne en pleine mutation, à la croisée des chemins. La plus frappante manifestation en est l'échec des services de renseignements qui, handicapés par des dysfonctionnements et des rivalités internes, sont leurrés par le remarquable plan de déception soigneusement élaboré par le Moukhabarat égyptien.
Le milieu
Le front Sud
Ce théâtre d'opération, qui est centré sur la zone du canal de Suez contenant la Ligne Bar-Lev, englobe la partie occidentale de la péninsule du Sinaï. Il forme un rectangle d’un peu plus de 200 kilomètres de hauteur et de 80 kilomètres de largeur.
La zone du canal de Suez relie la Méditerranée à la Mer Rouge. Elle est bordée au nord par l'étendue marécageuse de la lagune Manzala, qui rejoint le delta du Nil, et au sud par les contreforts du grand erg oriental et du djebel Ataqua qui culmine à 871 mètres d'altitude. Ce dernier constitue un observatoire de choix. La rive occidentale du Canal est doublée par un canal d'eau douce, entre Kantara et Suez, qui irrigue une étroite bande agricole le long de cette rive. L'ensemble de cette zone est principalement constituée d'une plaine sablonneuse et rocailleuse, d'où émergent quelques collines dont l'altitude excède rarement 200 mètres. De nombreuses pistes maillent cette partie du front, facilitant le mouvement des forces. La zone est faiblement peuplée, depuis que les villes bordant le Canal ont été évacuées pendant la guerre d'usure. Seuls subsistent de très nombreux camps militaires.
La ligne Bar-Lev se compose d'une trentaine de fortins israéliens adossés au rempart de sable bordant la rive orientale du Canal. Chaque poste, espacé d'environ cinq kilomètres, est équipé pour l'observation visuelle et électronique. Des orifices de tir sont aménagés dans toutes les directions, couvrant ainsi l'ensemble des secteurs d'où pourrait provenir une attaque ennemie. Ces fortins peuvent accueillir quelques pièces d'artillerie, ainsi que trois ou quatre chars. Chacun d’entre eux a été conçu pour résister à l'impact direct d'un obus de 155 millimètres ou d'une bombe de 500 kilogrammes. Une seconde ligne de défense est située à quatre cents mètres en retrait. Des murets, des champs de mines et des tranchées complètent enfin le dispositif, défendant les accès aux routes principales. Les différents ouvrages de la Ligne sont reliés entre eux par un important réseau routier dont trois rocades parallèles : la première, dénommée Route Lexique, borde immédiatement la voie d’eau et permet d’accéder aux fortins ; la seconde, à une dizaine de kilomètres plus à l’est, juste derrière la première ligne de crête, est identifiée sous l’appellation de Route de l’Artillerie – elle permet en effet à l’artillerie israélienne de se déployer sur ses positions de tir ; la troisième, enfin, connue sous le nom de Route Latérale, est située à une trentaine de kilomètres à l’est du Canal et permet le basculement des forces d’un secteur à l’autre du front.
La péninsule du Sinaï relie l'Afrique à l'Asie. Elle forme un triangle désertique dont la moitié méridionale est constituée par un massif montagneux chaotique, qui culmine à 2 642 mètres d'altitude au niveau du djebel Katherina, près du monastère Sainte-Catherine. L'extrémité nord-ouest de la péninsule, près de Port-Fouad, est occupé par la lagune Mallaha, véritable marécage qui constitue un obstacle naturel pour les unités mécanisées. Un réseau de dunes s'élève progressivement à l'est de la voie d’eau, facilitant la défense de la rive orientale du Canal. La côte occidentale de la péninsule du Sinaï est parsemée d'exploitations pétrolifères qui constituent un réel enjeu stratégique. Les principaux axes de communication sont orientés est-ouest. Deux routes côtières se rejoignent néanmoins à Sharm el-Sheikh.
Le front Nord
Ce théâtre d'opération est centré autour du plateau du Golan, qui relie Israël et la Syrie. Celui-ci forme un trapèze qui s'étend sur une hauteur d'une soixantaine de kilomètres et sur une largeur d'une vingtaine de kilomètres. Son altitude moyenne est de l'ordre de 800 mètres. Le plateau présente un relief accidenté et des sols d'une grande diversité, alliant les zones fertiles aux zones arides et caillouteuses, parsemées de roches basaltiques. Une ligne de tertres volcaniques partiellement boisés partage le plateau en deux. Cette ligne forme un ensemble défensif pour qui la contrôle. Elle n'est cependant pas continue. Trois couloirs de pénétration la traversent : il s'agit des trouées de Buqata/El-Rom, de Kunéïtra et de Rafid. A l'ouest, le plateau surplombe le lac de Tibériade. Plus au nord, les hauteurs du Golan viennent mourir en pente douce le long des rives du Jourdain
La chaîne montagneuse du Hermon, partagée entre le Liban, la Syrie et Israël, domine au nord le plateau du Golan. Elle culmine à 2 370 mètres du côté israélien et à 2 814 mètres du côté syrien. Ses versants abrupts entravent considérablement toute progression. De son sommet, on peut observer l'ensemble du plateau. Les gorges encaissées du Yarmouk et du Ruqqad le délimitent au sud. Le vaste amoncellement basaltique du Leja, qui voisine le désert de Syrie, en marque la limite orientale. La plaine de Damas en constitue le prolongement naturel au nord-est. Le relief y est moins accidenté et la circulation plus facile. Les seuls obstacles sur cette plaine ondulée sont constitués par quelques tertres qui dominent les alentours d'une centaine de mètres et par les concrétions basaltiques qui s'étendent de part et d'autre de Sassa, constituant par là même une zone difficilement franchissable pour les unités mécanisées.
Cinq routes traversent le Golan. L’une d’entre-elles, connue sous le nom de Route du pétrole, suit le tracé du Trans-Arabian-Pipeline (TAP). L’ensemble du plateau est inhabité à l'exception des garnisons militaires qui y sont installées, de quelques colonies créés par les Israéliens et de la bourgade druze de Majdal-Shams. La plupart des villages syriens ont été évacués après la guerre des six jours. La ville de Kunéïtra, jadis capitale du Golan, est déserte.
A SUIVRE...